Le Ouassous – macrobrachium rosenbergii

Le ouassous d’élevage macrobrachium rosenbergii

Cette espèce originaire de l’Indo Pacifique a été introduite en 1975 en Martinique à partir de l’Ile Maurice. De la Martinique elle est arrivée en 1977 en Guadeloupe.

Contrairement à sa cousine guadeloupéenne Macrobrachium carcinus, cette espèce et son élevage ont bénéficié d’un effort de recherche conséquent depuis les premiers travaux réalisés à l’université d’Hawaï.

Shao Weng ling au mileu des années 60 est le premier à découvrir et à boucler le cycle biologique de l’espèce en élevage en Malaysie. En 1972, le professeur Takuji Fujimura, considéré comme le père de son aquaculture réalisait le premier élevage larvaire en eau saumâtre. Depuis, à partir des premier spécimen expédié d’Hawaï, de nombreuses équipes se sont penchées sur le sujet de part le monde : USA, Israël, Ile Maurice… La contribution française à ces recherches a débuté au Centre Océanographique du Pacifique (COP) de Tahiti dès le début des années 1970 au travers des travaux de l’Ifremer, puis à la station expérimentale de Kourou en Guyane, au milieu des années 1980.  L’essentiel de nos connaissances sur l’élevage de cette espèce remonte à ces années.

Production mondiale de  macrobrachium rosenbergii :

Production globale d’aquaculture de Macrobrachium rosenbergii (FAO Fishery Statistic)

La production mondiale est passée de 17000 tonnes en 1993 à plus de 220.000 tonnes en 2010 soit une croissance moyenne annuelle de 19%.
    La Chine demeure de loin le premier pays producteur et représenterait près de 60% de la production mondiale. Les autres principaux pays producteurs sont la Thaïlande, le Bengladesh, l’Inde, le Vietnam.
    L’essentiel de la production mondiale est le fruit de systèmes de production extensifs à semi intensifs qui présentent des rendement de 200 à 2000 Kg/ha/an.
    La culture des Macrobrachium spp est moins susceptible d’avoir un impact négatif sur l’environnement que l’élevage des crevettes pénéides, compte tenu de l’autolimitation de son intensification lié à son comportement social.

Les bases biologiques et physiologiques de l’élevage du ouassous

Pour maitriser l’élevage du ouassous quelques notions et connaissance de bases sont indispensables.

REPRODUCTION

Les sexes sont séparés et leur identification peut être faite dès la taille de 3 à 4 cm.
Les mâles ont une tête proportionnellement plus grosses que les femelles et la seconde paire de pattes se développe en pinces longues et robustes. Au niveau ventral, les gonopores (orifices sexuels) débouchent à la base de la cinquième paire de périopodes (pattes).
Chez les femelles, les gonopores sont situés à la base de la troisième paire de périopodes. Les trois premiers segments abdominaux sont prolongés vers le bas et forment une chambre d’incubation destinée à recevoir les œufs.
C’est dans la rivière, en eau douce, que la ponte et la fécondation ont lieu.
La copulation a lieu trois à six heures après une mue dite « prénuptiale ». Le mâle « dur » retourne la femelle « molle » sur le dos et dépose sur son thorax de petites ampoules, appelées spermatophores, qui contiennent les gamètes mâles.
Dans les 24 h qui suivent, ces spermatophores libèrent les spermatozoïdes qui viennent féconder les œufs au fur et à mesure de la ponte.
Ils sont ensuite agglutinés dans la chambre d’incubation sous l’abdomen de la femelle et oxygénés en permanence par les battements de ses appendices natatoires (les pléopodes). L’incubation dure une vingtaine de jours. Au fur et à mesure de leur maturation, les œufs passent de l’orange vif au brun-gris.
Si la ponte a eu lieu sans fécondation, les œufs meurent au bout de trois jours.
On considère qu’une femelle  émet 400 œufs par gramme de poids vif soient 20.000 œufs pour une femelle de 50g.
A partir de la maturité sexuelle, l’ovogénèse (formation des œufs en devenir – les « ovocytes ») est continue chez M.rosenbergii sous nos climats. Les pontes s’effectueront au fur et à mesure des mues.

Cycle de mue et cycle de maturation sont donc étroitement liés et sous la dépendance d’un contrôle hormonal, par l’intermédiaire du système nerveux central et de la glande du sinus située dans le pédoncule oculaire. Sous l’influence  de facteurs externes (environnement) ou internes (stress, âge, nutrition) s’exerçant sur le système nerveux central, cette glande du sinus secrète ou non une hormone inhibitrice de maturation.

VIE LARVAIRE

Dès l’éclosion, la larve du ouassous, de la taille d’une tête d’épingle est entraînée par le courant jusqu’à l’estuaire. Elle se développe dans ce milieu saumâtre, très productif, pendant une soixantaine de jours, au cours desquelles elle muera 12 fois. Chaque mue se traduit par une évolution morphologique, identifiable par un stade larvaire différent.
Sans milieu salin, la larve ne survivrait pas (2j au plus pour M.rosenbergii, 5j pour M.carcinus).
La larve  planctonique nage sur le dos, la tête en bas et est entraînée par le mouvement des vagues et des courants. Elle ne se déplace que de quelques mm pour attraper ses proies.
La douzième mue s’accompagne d’une métamorphose en post-larve. La  physiologie et le comportement de l’animal sont alors bouleversés: la post-larve se retourne, devient benthique (elle va vivre sur le fond) et acquière un réflexe de remontée du courant (rhéotaxie positive).

DEVELOPPEMENT POST-LARVAIRE

Après la métamorphose, la post-larve s’est transformée en un petit ouassous complet de 5 à 8 millimètres (12 à 15 mg) qui préfère l’eau douce à l’eau salée et cherche à remonter le cours de la rivière. Dans la rivière, ce petit ouassous deviendra grand s’il réussit à échapper à tous les dangers qui l’attendent : prédateurs, pollution, crues, etc.
Pour grandir il lui faudra changer régulièrement de carapace lors de mues successives.
Il se nourrira de tout ce qu’il pourra trouver: fruits, poissons, cadavres, vers, larves d’insectes, bactéries présentes sur les feuilles mortes, etc… Il est omnivore, détritivore. Son activité sera plutôt nocturne pour échapper aux prédateurs.
Il établira sa domination sur un territoire et deviendra à son tour capable de se reproduire…
On estime que M.rosenbergii peuvent vivre plus de 6 ans (idem pour M.carcinus).
Les mâles  atteignent des tailles supérieures à celles des femelles. On trouve dans la nature des mâles M.rosenbergii de plus de 30 cm (mesuré de l’œil jusqu’à la pointe du telson) pour un poids de 1000 g et des femelles de 25 cm.

RESPIRATION

La respiration est le phénomène vital par lequel un organisme vivant peut utiliser l’oxygène comme source d’énergie pour ses besoins métaboliques.
Les crustacés, comme les poissons, respirent l’oxygène dissous dans l’eau en utilisant principalement leurs branchies. Ce sont des organes respiratoires constitués de fines lamelles organisées autour d’un axe central contenant les vaisseaux sanguins. Il existe également une respiration tégumentaire, difficile à quantifier chez les adultes mais qui existent chez les larves avant que les branchies ne soient formées.
Une fois passée la barrière branchiale, l’oxygène est transporté dans les tissus par l’hémolymphe (le sang des  crustacés).
L’échange gazeux entre les milieux internes et externes au niveau de la branchie s’effectue par diffusion passive. Celle-ci n’est pas suffisante pour les besoins respiratoires de l’animal dans un milieu, l’eau, dont le coefficient de diffusion est environ un million de fois plus faible que celui de l’air. D’où la nécessité d’une « ventilation » forcée par les battements rythmiques de certaines pièces buccales qui induisent un mouvement d’eau permanent vers les branchies.
La respiration sera sous la dépendance de nombreux facteurs: température, régulation osmotique, pressions partielles du CO2 et de l’O2, stade de mue, taille de l’animal, activité, stress, etc…
Le taux d’oxygène dissous est l’un des principaux paramètre d’élevage. Pour M.rosenbergii, On considère que la valeur de 3 mg/L d’O2 dissous à 28°C est la valeur en dessous de laquelle la croissance et la survie seront affectées. Rappelons qu’à 30°C en eau douce le seuil de saturation en O2 dissous est de 7.5 mg/l.

CROISSANCE

Au cours de leur croissance, tous les crustacés doivent régulièrement se dépouiller de leur squelette externe rigide (la carapace) qui les protège mais les empêche d’avoir une croissance continue. A la mue, la carapace rigide est éliminée (exuviation) tandis qu’une nouvelle carapace fine et élastique, la cuticule, est mise en place et va permettre l’expansion du corps de l’animal par une entrée massive d’eau.

La mue est conditionnée par:

  • la constitution préalable de réserves énergétiques (dans l’hépatopancréas) et minérales qui seront mobilisées au cours de l’exuviation (la mue).
  • la dissolution progressive par « déminéralisation » de l’ancienne carapace et la récupération de certains de ses éléments, de manière à la libérer des tissus sous-jacents et à la rendre suffisamment fine pour être libérée.
  • la croissance d’une nouvelle carapace rendue possible par les deux points précédents.

La fréquence des mues dépend de l’âge de l’animal et des conditions environnementales (température, composition du milieu, densités, etc.).
A 28°C, la durée de l’inter-mue pour M.rosenbergii est de 9 à 22 jours pour des animaux de 2 à 35g. Au delà, la durée d’inter-mue peut aller jusqu’à 40jours.
C’est le système nerveux central qui contrôle la mue par la libération d’hormones.
La croissance résulte d’une importante entrée d’eau dans le corps de l’animal au moment de la mue, vraisemblablement par le tube digestif, ce qui a pour conséquence une augmentation du volume du fluide corporel. Cet afflux d’eau provoque un gonflement des tissus qui dans les stades suivants gagneront en poids à concurrence du volume établi lors de cette hydratation.
La mue est une période difficile pour l’animal. Il est à ce moment très  sensible aux substances toxiques,  au manque d’oxygène et aux prédateurs.
Durant toute la phase où sa carapace est molle il est très vulnérable car incapable de se défendre des agressions de ses congénères. L’animal doit donc durcir sa carapace le plus rapidement possible.
Les minéraux utilisés pour la minéralisation de la carapace proviennent des ressources corporelles de l’animal (10 à 15%), et surtout du milieu extérieur. La disponibilité du calcium dans le milieu (plus rare en eau douce qu’en eau de mer) peut être un facteur limitant de la vitesse de durcissement de la carapace. Durant les heures qui suivent la mue l’animal ne s’alimente pas, il n’y a donc pas d’apport de calcium via l’alimentation.
Le développement des gonades lors du processus de maturation entraîne, surtout chez la femelle, une demande importante en énergie. On assiste donc à un ralentissement de la croissance dès que les processus de reproduction deviennent prépondérants (généralement vers 15 grammes).

OSMOREGULATION / EXCRETION

Pour tous les organismes aquatiques, on distingue le milieu intérieur (le sang et le milieu cellulaire) et le milieu extérieur dans lequel il baigne. Dans les deux milieux existent des éléments minéraux comme le calcium, ou organiques comme des protéines, à des concentrations généralement différentes. L’ensemble des substances dissoutes dans un milieu donné détermine ce qu’on appelle la pression osmotique de ce milieu. Schématiquement, plus la concentration d’un milieu sera élevée pour une substance donnée, plus ce milieu aura une pression osmotique élevée par rapport à cette substance.
 Pour garantir le bon fonctionnement de son métabolisme, un crustacé doit maintenir la concentration de son milieu intérieur la plus constante possible. Or l’eau, interne ou externe, a toujours tendance à passer à travers les membranes perméables qui constituent certains tissus de l’animal comme les branchies.
 Cette diffusion d’eau se fait toujours des milieux le moins concentré vers le plus concentré. De plus, le métabolisme, et en particulier l’excrétion, entraîne une perte régulière de certains éléments par l’animal. On appelle osmorégulation cet effort permanent de l’animal pour maintenir constante la composition et donc la pression osmotique de son milieu interne. Chez les crustacés marins, les milieux intérieurs et extérieurs sont en équilibre osmotique. Les crustacés d’eau douce, par contre, conservent leurs fluides corporels plus concentrés que le milieu extérieur dans lequel ils vivent… Ils doivent donc compenser une entrée continue d’eau et absorber activement des ions à partir d’un milieu très dilué pour remplacer ceux perdus par diffusion ou excrétion.
La régulation s’effectue essentiellement par l’intermédiaire de la sécrétion des glandes antennales (appelées urine) et des branchies. la perte d’eau et de sels de l’urine est équilibrée par l’entrée active d’eau et d’ions à travers les branchies. L’absorption par le système digestif est moindre.
Les branchies constituent donc un lieu complexe d’échanges où se produisent à la fois les échanges respiratoires et ioniques et l’excrétion des produits azotés, issus du métabolisme de l’animal.

 L’eau saumâtre est nécessaire pour la survie et le développement des larves de chevrettes. Ces dernières ont un pouvoir d’osmorégulation trop faible pour survivre en eau douce. Avec l’âge et l’exposition progressive à des salinités basses, les juvéniles deviennent des régulateurs suffisamment performants pour maintenir leur milieu interne hyper-osmotique par rapport au milieu ambiant.
    Les capacités de réaction aux changements osmotiques se mettent en place lentement. Des Pl transférées brutalement de 16 à 35% meurent toutes après deux jours. Une adaptation sur huit jours aboutit à une mortalité de 13%. Il existe donc une capacité d’adaptation progressive de l’animal à son environnement en cas de changement graduel qui lui permet de supporter temporairement des variations qui lui seraient fatales dans d’autres cas.

LIMITES PHYSIOLOGIQUES

Les valeurs optimales de l’ensemble des paramètres qui affectent la vie des ouassous ne sont pas toutes connues avec exactitude.
On distingue trois gammes de valeurs:

  • valeurs létales: elles représentent les valeurs maximales et minimales des paramètres au delà desquels l’animal meurt,
  • zone de tolérance: gamme élargie des valeurs dans laquelle l’animal peut s’adapter. Cependant plus les valeurs du milieu s’approchent des valeurs limites plus les performances de l’animal sont faibles.
  • zone optimale: gamme de valeurs dans laquelle l’animal peut exprimer tout son potentiel de croissance.

Pour la chevrette les limites physiologiques suivantes sont connues:

ParamètresMiniToléranceOptimumToléranceMaxi
Température (°C)192428-303135
Oxygène dissous (mg/l)136-8?
Dureté (eq.CaCO3)?540-120150300
PH PL?5,56-88,59
PH adultes456-8,51010,5
NH4 (mg/l)030200
NH3 (mg/l)02,2
NO2015200
Salinité PL?121825
Salinité juvéniles010
Chevrette les limites physiologiques

Pour résumer : le milieu qui garantit les meilleures performances est saturé en Oxygène, suffisamment minéralisé, sans pollution organique avec un PH compris entre 7 et 8 et une température entre 28 et 30°C.

COMPORTEMENT SOCIAL : UNE STRUCTURE PYRAMIDALE

La particularité majeure des ouassous réside dans leur croissance individuelle très hétérogène. En partant d’une cohorte de post-larves homogènes (un groupe d’individus de même âge), on s’aperçoit qu’au bout de deux mois certains animaux ont déjà un poids 10 fois supérieurs aux autres !
Les individus à croissance rapide sont des individus dominants, puisque dès leur apparition, la croissance du reste de la population est ralentie. Si on retire ces individus dominants, les animaux dominés reprennent une croissance normale. Parmi ceux ci, certains vont spontanément reprendre une place de dominants. Ce phénomène est appelé croissance compensatoire.
A partir de la maturation sexuelle, la croissance des deux sexes est très différente. Pour les mâles, les phénomènes de dominance vont s’accentuer ainsi que les différences de tailles.

Dans une population de ouassous on trouve:

  • des femelles (50% de la population) qui investissent beaucoup d’énergie dans les phénomènes liés à la reproduction et ceci au détriment de leur croissance. Quelque soit la densité, la croissance des femelles est plus lente et plus régulière que celle des mâles et ralentie à partir de la maturité sexuelle.
  • des mâles dont les différents rôles sociaux  associés à la reproduction se traduisent par trois morphotypes différents.

Les mâles à pinces bleues représentent 10% de la population mâle et le sommet de la pyramide sociale. C’est le stade terminal et irréversible du développement des mâles. Dominants, agressif et sexuellement actifs, ils ont un comportement territorial très marqué. Ils possèdent de longues pinces bleues mesurant une fois et demi la longueur du corps, qui leur servent à délimiter et à défendre leur territoire et leurs femelles.
Les femelles prêtes à s’accoupler recherchent ces mâles qui les protègent pendant la période vulnérable de la mue qui précède l’accouplement et la ponte. Huit à douze femelles peuvent ainsi être associées à un mâle pinces bleues.
Ces mâles utilisent leur énergie pour la reproduction, la protection des femelles et la défense de leur territoire. Leur croissance est très ralentie voire nulle. S’ils restent dans le bassin ils finissent par se couvrir d’algues, (preuve qu’ils ne muent plus), et par mourir lorsqu’ils ont épuisé le stock de gamète qu’ils avaient constitué avant leur accession à la dominance.
La transformation en mâle pinces bleues est liée à la maturation sexuelle. Une maturation précoce est souvent une réponse à des conditions de stress qui impliquent une reproduction « anticipée » : manques d’espace (densités), de nourriture, d’oxygène, etc…

Les mâles pinces oranges (40% de la population mâle) sont dit subdominants.
Ils sont dominés par les mâles pinces bleues et dominent les mâles pinces claires. Ils n’ont pas de comportement territorial, sont mobiles et peu agressifs. Ils ne participent pas à la reproduction: mis en présence de femelles, ils les attaquent et ne cherchent pas à s’accoupler.
Leur système reproducteur est très réduit, par contre leur appareil digestif est très développé. Le stade « pinces oranges » est un stade de croissance rapide. Si un mâle pinces oranges arrive à devenir plus gros qu’un pinces bleues et à lui prendre son territoire il devient pinces bleues à son tour. C’est le syndrome d’Iznogood !!!

Les petits mâles à pinces claires, n’ont pas de comportement territorial. Ils représentent 50% des mâles. Petits, très mobiles, ils évitent la compétition par la fuite. Ils arrivent parfois à féconder les femelles « à la sauvette », en se glissant entre un mâle bleu et une femelle.
Dominés par le reste des mâles et ayant un appareil digestif moins développé, leur croissance est faible. Ils sont inhibés par les mâles pinces bleus. Sitôt cette inhibition levée, ils retrouvent une croissance normale et deviennent à leur tour pinces oranges.

L’émergence de ces phénomènes de dominances n’a pratiquement pas d’origine génétique. Des animaux élevés séparément montrent une dispersion des tailles très inférieure à celle observée au sein d’une population du même âge. C’est donc  la vie en communauté et le contact entre individus qui induit la croissance hétérogène.
La taille d’un individu à un temps donné n’est pas fonction de son âge mais résulte d’interactions sociales et environnementales. Un mâle dominé reprend sa croissance dès lors que la dominance est supprimée. Ces interactions existent, à un degré moindre, en l’absence des femelles.

Ces phénomènes de dominance impliquent un certain nombre de conséquences et de pratiques d’élevage particulières :

  • la croissance des mâles n’est pas linéaire, c’est une croissance « en escalier »,
  • La croissance au sein d’une même cohorte est très hétérogène : des individus du même âge peuvent avoir des tailles complètement différentes, avec des rapports qui peuvent aller de 1 à 10,
  • Cette croissance est moins hétérogène chez les femelles qui constituent un meilleur indicateur de croissance de la population que les mâles,
  • l’éleveur doit en permanence « casser » la structure sociale et l’ordre établi en éliminant les dominants pour un meilleur fonctionnement de l’ascenseur social et une optimisation la croissance de son cheptel, c’est un révolutionnaire !
  • des pêches régulières accompagnés de tris sélectifs doivent intervenir dès le 8ème mois d’élevage afin d’extraire les individus pinces bleues arrivés en fin de croissance (quelque soit leur taille) et de permettre la croissance ultérieure d’une fraction des individus jusque là dominés,
  • les individus pinces oranges seront remis à l’eau afin de leur permettre d’exprimer leur fort potentiel de croissance,
  • il faut s’efforcer de retarder l’apparition des mâles pinces bleues en ajustant au mieux les conditions d’élevage à la croissance du cheptel et éviter une maturation sexuelle précoce,
  • la capacité d’accueil d’un m² de bassin est très limitée. Au delà d’une certaine densité (150 g/m2 soient 4 individus de 35 g ou 15 individus de 10 g), la croissance est très réduite voire bloquée,
  • les possibilités d’intensification des systèmes d’élevage sont donc faibles comparées à d’autres espèces comme la truite ou le tilapia par exemple, pour lesquelles des densités de 100 Kg de poisson/m3 d’eau sont envisageables.
  • Les rendements restent relativement faibles : de 1T/ha/an à 2,5 T/ha/an.

ALIMENTATION ET NUTRITION

Dans la nature les chevrettes sont omnivores. Elles se nourrissent de tout ce qui est disponible dans l’environnement et sont opportunistes : zooplancton pour les larves, petites larves d’insectes, de crustacés, poissons morts, graines, fruits etc…Elles se nourrissent en permanence avec un pic d’activité la nuit.
Les macrobrachium utilisent une paire de petites pinces pour se nourrir. Avec ces pinces, elle amène leur nourriture au niveau des mandibules qui découpent et broient l’aliment avant ingestion.
En étang d’élevage, la chaine trophique (Eléments nutritifs ►Phytoplancton ►zooplancton ► petits organismes benthiques et pélagiques) qui se met spontanément en place constitue 50% des sources alimentaires du ouassous. Cette source alimentaire naturelle est surtout essentielle pour les stades jeunes. Elle doit être compléter par une alimentation exogène et ce d’autant plus que la densité d’élevage et l’âge des animaux augmentent.

L’aliment composé :

  • Les granulés distribués doivent répondre aux besoins nutritionnels du ouassous.
  • Les protéines constituent les éléments essentiels qui conditionneront la croissance, elles sont généralement  issues de farines de poissons et de soja. Les aliments compsés doivent contenir au moins 25% de protéines.
  • Les céréales constituent l’apport glucidique et énergétique de la ration alimentaire.
  • Les lipides apportent surtout de l’énergie. Cependant il n’est pas recommandé de dépasser un taux de 10%.
  • Le granulé doit répondre à une exigence de tenue à l’ eau (au moins 1 h) car il ne sera pas immédiatement ingéré par les ouassous.

ELEVAGE

Le cycle d’élevage se calque sur le cycle biologique :

  • La phase larvaire se déroule en écloserie en eau saumâtre,
  • La phase post-larvaire et le grossissement se déroule en eau douce en étang.

Ecloserie

Les femelles grainées (portant des œufs) sont placées dans des bacs d’eau saumâtre bien oxygénés.
A partir de femelles à œufs gris, on peut espérer une éclosion rapide (moins de 4 jours).
On estime qu’une femelle de 40 grammes permet d’obtenir 10.000 larves J1 (larves du premier jour).
Les larves sont ensuite récoltées, comptées, puis transférées vers les bacs d’élevage larvaire contenant une eau saumâtre de salinité constante.
 Elles sont nourries quotidiennement avec des nauplii d’artemia et un aliment composé spécifiquement à base de calmars et d’œufs (acal).

Tout au long de l’élevage larvaire il faut veiller à maintenir une qualité d’eau optimale :

  • Salinité constante de 12 p.mille,
  • O2 proche de la saturation,
  • PH entre 6.8 et 7.2
  • Température entre 28.5 °C et 30°C,
  • flore bactérienne, taux de nitrites contrôlés.

L’élevage larvaire requière une grande rigueur, des observations quotidiennes des larves et un suivi permanent des paramètres d’élevage :

  • qualité de l’eau,
  • croissance appréhendée au travers du suivi de l’indice de stade larvaire,
  • nutrition appréhendée au travers des indices de réplétion stomacaux.

 Après la 12ème mue, la métamorphose intervient entre le 17éme et le 25ème jour d’élevage. Cette métamorphose n’est pas synchrone, on a donc pendant une dizaine de jours une cohabitation entre larves en attente de métamorphose, très voraces, et post-larves. Pour limiter le cannibalisme des larves sur les post-larves, des séparations régulières sont mises en œuvre.
Une fois les post-larves récoltées, elles sont acclimatées en une nuit à l’eau douce. Dès lors elles seront prêtes à être lâchées dans les étangs d’élevage.

L’écloserie est un outil couteux en investissement et en fonctionnement qui est difficile à rentabiliser sous un certain seuil de production. C’est donc la demande des aquaculteurs en post-larves qui conditionne la rentabilité d’une écloserie. Nous déconseillons aux producteurs de s’orienter vers ce type d’équipement sous un seuil de 1 Millions de post-larves/an.        

En Guadeloupe une seule écloserie est en activité. Elle a une capacité de production de plus de 10 M de Pl par an et peut fournir bien au-delà  des besoins de l’ensemble des producteurs de Guadeloupe et Martinique.
    Le transport vers les lieux de grossissement s’effectue en cubitainer ou en sachets plastiques remplis d’eau ou d’oxygène. Les exportations sont possibles dans la limite de 24h entre la mise en sachet et le lâcher.

LE LACHER DES POST-LARVES

Avant de lâcher les post-larves dans les étangs on doit contrôler la qualité de l’eau de l’étang :

  • Eviter les PH supérieurs à 8.5 et les températures supérieures à 30°C,
  • Disposer d’une eau verte riche en phyto-plancton,
  • Prévenir la prédation parles larves de libellules en ayant au préalable lâché des « gendarmes », ouassous de taille suffisante pour consommer les larves de libellule.

Il est classiquement recommandé de lâcher ses post-larves en matinée, lorsque le Ph de l’étang n’est pas encore trop élevé. Avant le lâcher on s’efforce d’équilibrer doucement les qualités de l’eau du sac de transport et du bassin.
C’est une opération importante qui conditionne es résultats à venir. Un stockage raté n’est pas immédiatement visible. Il peut s’écouler plusieurs semaines avant que l’éleveur ne s’en rende compte (lors d’un échantillonnage par exemple).

SYSTEME CONTINU SIMPLE

Le principe du système continu est relativement simple : entretenir un stock outil en compensant les prélèvements d’animaux récoltables élevés par des stockages réguliers de post-larves.
On estime la densité optimale de stockage annuel à de 15 à 18 Pl/m²/an fractionné en 3 ou 4 apports.
Les post-larves sont introduites directement dans le bassin de grossissement tous les trois ou quatre mois selon des séquence de 9/4/5 Pl/m² (ou 8/3/4) puis 6/6/6 Pl par m² (ou 5/5/5) la 2ème année.

Les récoltes sélectives commencent dès l’apparition des premiers mâles à pince bleues, généralement vers le 7ème- 8ème mois.  Les récoltes sont réalisées toutes les 2 à 3 semaines à raison de deux coups de senne.
La quantité d’aliment distribuée correspond à 5% de la biomasse estimée. Pour une biomasse estimée de 60g/m² cela revient à distribuer 30Kg par ha et par jour.

Ce système permet d’obtenir des rendements moyens de l’ordre de 1.5T/ha/an avec une fourchette de 0.8 à 3T/ha/an. Les indices de conversion oscillent entre 3.5 et 6.
Les taux de retour reste assez faibles : de 10 à 40%.

Les pertes d’animaux sont importantes du fait de la fréquence des pêches, des accidents non détectés lors de lâchers de post-larves. Il a été montré que pour une densité de stockage annuelle de 18Pl/m², la densité réelle de l’élevage est de 2 à 7 individus au m². Un rendement de 2T/ha/an correspond à un taux  de retour de 30% des post-larves stockées.
La récolte n’est jamais efficace à 100% dans le meilleur dans cas elle est de 50 à 70%.
Il faut également souligner que les cohortes de mâles ne restent pas distinctes longtemps. Elles se fondent les unes aux autres, les individus à croissance rapide de la cohorte n+1 rattrapent vite les individus à croissance  lente de la cohorte n.
Il est difficile de maintenir un stock constant. Si le prélèvement lors des récoltes est supérieur au stockage, la densité et la production diminuent. Dans le cas contraire, la surdensité provoque une surdensité, des maturations précoces et un blocage de croissance. Il y a alors de moins en moins de gros animaux et de plus en plus d’individus dans les classes de taille intermédiaires : les pêches diminuent et le phénomène s’amplifie avec les stockages suivants.
Les femelles ont une croissance plus homogène et plus lente que les mâles à croissance rapide : 1.5 à 2g/mois.

En conclusion ce système simple à mettre en œuvre génère une gestion complexe des populations.

C’est un système d’exploitation qui permet de réduire :

  • les périodes de mise en sommeil des étangs qui suivent les assecs,
  • les manipulations de transfert d’un étang à l’autre et donc les coûts de main d’œuvre.

De ce fait il est bien adapté aux petites structures (< à 2ha) pour lesquelles l’aquaculture est généralement une activité de diversification.

A contrario l’absence de points de contrôle limite la connaissance instantanée du stock élevé et ne permet pas d’optimiser l’alimentation, l’absence de vidanges régulières aboutit à une dégradation de la qualité du fond et à un envasement préjudiciable à l’efficacité des récoltes, à l’utilisation de l’aliment, à la survie et à la croissance des animaux

La biomasse optimale pour ce système est de 60g/m². Au-delà le système se bloque, et il faut pêcher massivement pour relancer le système. En deçà les densités baissent et les récoltes chutent. La biomasse présente est le fruit de plusieurs facteurs aléatoires : survie des post-larves au moment des lâchers, efficacité de pêche, accidents physico-chimiques, etc…d’où des résultats variables.

L’amélioration globale de ce système passe par une meilleure maitrise des survies des post-larves après lâcher et à la mise en place de points de contrôles au cours du cycle.

Elevage discontinu

Contrairement au système continu, le système discontinu consiste à n’élever qu’une cohorte par bassin. Des pêches sélectives à partir du 7ème mois permettent de stimuler la croissance. La fin du cycle se traduit par une vidange totale de l’étang.

Dans le système discontinu simple les post-larves sont lâchées directement dans le bassin où elles resteront jusqu’à la fin.
Ce système a l’avantage de permettre au cours de chaque vidange de commercialiser des petits animaux à croissance lente qui ont tendance à s’accumuler dans le système continu. Les assecs réguliers améliorent également la qualité des fonds de bassin.
A l’opposé les rendements sont de l’ordre de 1T/ha/an. Il faut environ 18 mois pour épuiser une cohorte…ce système n’est pas le plus adapté pour la production de gros animaux. Les premiers mois au cours desquels les biomasses sont faibles, les bassins sont sous-utilisés.

Le système discontinu séquentiel permet d’optimiser l’utilisation des surfaces. Ce système compte deux à trois séquences qui se suivent. Chaque fin de séquence se traduit par une vidange totale et à un transfert des animaux vers un autre étang ou une récolte finale.

Le  pré grossissement est la première séquence d’élevage. Les post-larves de petite taille peuvent être stockées durant 2 à 3 mois à des densités élevées sans préjudice pour la croissance. On utilise pour cela de petits bassins faciles à vidanger préparés à cet effet. Les densités de 50 à 150 individus/m² permettent d’obtenir des biomasses élevées (de l‘ordre de 150 g /m²).

Les animaux pré-grossis sont ensuite transférés dans d’autres bassins. La densité est alors ajustée à la taille des animaux.

Les séquences d’élevage peuvent aller jusqu’à 3 ou 4 toujours selon le même principe.
L’avantage du système séquentiel réside dans l’optimisation de l’utilisation des surfaces exploitées, une multiplication des points de contrôle, des assecs plus réguliers d’où une meilleure gestion des densités du cheptel et de l’efficacité alimentaire.
Les rendements obtenus sur un système discontinu à 2 séquences sont de l’ordre de 2 à 2.5 T/ha/an et les IC de 1.5 à 2.3.

On peut ainsi multiplier les séquences d’élevage. Exemple : 2 mois de prégrossissement à 150 Pl/m², puis 4 mois à 30 individus/m² puis 6 mois à 4 individus / m².
Dans les systèmes à 3 séquences, on ajuste au mieux l’espace disponible en fonction de la taille des animaux. La réduction des densités à chaque phase permet d’exploiter au mieux le potentiel de croissance.
A l’opposé, ce type de système requière plus de main d’œuvre et une plus grande rigueur dans le mode d’exploitation. Le respect des dates de vidange et de transfert est impératif, sinon on se retrouve en situation de surdensité et de blocage ou de retard de croissance !

AUTRES SYSTEMES D’ELEVAGE

Elevage mono-sexe :

  • Séparer les sexes est une pratique fréquente en élevage. L’énergie consommée par l’activité de reproduction est ainsi économisée au profit de la croissance.

    Effectivement la croissance des males est supérieure de 30 à 40% en élevage mono-mâle par rapport à l’élevage mixte, ce qui se traduit par des gains appréciable en terme de rendement malgré des survies inférieures.
    Pour les femelles, le gain est de l’ordre de 10% en conditions de densités comparables. Une voie pourrait être de travailler en densités plus élevées pour les femelles, moins agressives que les mâles.
    Il n’existe pas à ce jour de technique permettant d’obtenir des post-larves mono-sexes c’est donc manuellement qu’il faut séparer les mâles et les femelles, ce qui limite énormément la mise en pratique de ce système.

 Elevage de lots triés selon la taille
On peut en sortie de pré-grossissement réaliser des tris pour homogénéiser les lots mis en grossissement.
On sépare ainsi précocement les individus à croissance rapide des individus à croissance lente. On obtient dans ce cas une amélioration du rendement et de la croissance de la tête de lot et de la queue de lot.
    Il est également possible de regrouper dans un bassin les queues de lots de plusieurs bassins pour leur permettre d’atteindre la taille de récolte sans retarder l’ensemble de l’étang dont ils sont originaires

QUELS SYSTEME CHOISIR ?

Le choix du système d’élevage doit répondre aux contraintes et aux objectifs de l’exploitation :

  • Contraintes physiques et climatiques : la T° permet-elle de produire toute l’année ? L’eau est-elle limitante à un moment donné …)
  • Objectifs de production : production continue ? ponctuelle ? calibre souhaité ?
  • Contraintes socio-économiques : coût de la MO ? des post-larves ? effectif et technicité de l’équipe ? Prix de vente ?

La question majeure à se poser est la suivante : Vise-t-on le meilleur rendement ou la meilleure rentabilité économique ?
A chaque cas de figure un système adapté !

CREER UNE EXPLOITATION D’ELEVAGE DE OUASSOUS

Les facteurs limitants :

L’eau disponible :

  •     L’activité pour être menée dans de bonnes conditions impose de disposer d’eau en quantité et qualité suffisante.
  •     Les étangs doivent être renouvelés à raison de 10% par 24h. Il faut donc par ha d’étang 1000m3/jour disponibles (débit de 11 L/s). L’eau est captée sur une rivière proche ou pompée dans la nappe phréatique. Il faut chercher à privilégier les captages et les conduites d’amenée d’eau en gravitaire, moins couteuses en maintenance et plus rustique (une pompe consomme de l’énergie et peu tomber en panne, ce qui n’est pas le cas d’un système gravitaire).
  •     Le captage, soumis à autorisation de la DAAF, doit garantir la continuité biologique du cours d’eau. Il faut donc prévoir une forme et une implantation en conséquence.
  •     Les aquaculteurs ne consomment pas d’eau. Elle est restituée à la rivière après passage dans l’étang. Obligation lui est faite de la restituer dans un état aussi proche que possible de celui qui était le sien à l’entrée dans l’étang. A ce titre les aquaculteurs sont exonérés de redevance sur le captage.
  •     Le réglage du débit d’entrée est l’un des moyens d’action essentiel dont dispose l’aquaculteur. Disposer d’une marge de sécurité est donc une bonne chose.
  •     La qualité de l’eau est également essentielle, une eau polluée, contaminée à la chlordécone est à proscrire, de même qu’une eau trop acide, comme on en trouve sur les flancs de la soufrière.
  •     Il faut donc une eau de T° de 22 à 27°C, un PH proche de la neutralité.

Le foncier agricole :

  •     L’élevage du ouassous demande de la surface. Sur 1 ha d’étang on produit en moyenne 1.5 T/an. Les meilleurs rendements sont de l’ordre de 2T/ha/an.
  •     En dessous de 5 ha d’étang, l’activité aquacole devra être considérée comme une activité de diversification qui viendra en appoint d’autres activités agricoles.
  •     Il faut donc privilégier des terrains plats pour limiter les coûts de terrassement et optimiser l’utilisation du terrain, à proximité d’une rivière de débit suffisant et de bonne qualité d’eau.
  •     Les contraintes liées au chlordécone limitent les possibilités de création de nouveaux bassins au Nord de la Basse terre.
  •     La difficulté d’accès au foncier agricole est aujourd’hui l’un des freins majeurs au développement de l’aquaculture d’eau douce en Guadeloupe.

Nature des sols :

  •     Le sol doit contenir suffisamment d’argile pour garantir l’étanchéité du bassin.
  •     Les parcelles enrochées posent souvent problème.

Eaux de rejets :

  •     L’élevage du ouassous, peu intensif, ne pose pas de problème de pollution. Le système étang recycle l’ammoniac excrété par les animaux. L’azote ammoniacal est transformé en nitrates par les bactéries nitrifiantes, puis fixé par le phytoplancton. Les déchets de l’élevage sont donc recyclés en nutriment pour le phytoplancton, principal producteur d’oxygène dans l’étang.
  •     La qualité des eaux de sortie d’étang, évaluée par les concentrations en nitrates et phosphate, est généralement équivalente voire meilleure en sortie qu’en entrée !

Construction des bassins :

  •     A partir d’un plan de masse et d’un relevé topographique, prévoir une implantation qui permette d’optimiser la surface disponible.
  •     Il faut également intégrer le système d’exploitation choisi de façon à positionner au mieux les différents bassins. Par exemple, si le terrain dispose d’une pente on prévoira la construction des bassins de pré-grossissement sur la partie haute du terrain pour des transferts d’animaux par gravité.
  •     Enfin prévoir l’installation du réseau hydraulique : amenées d’eau et évacuation.
  •     Pour faciliter l’exploitation, dans un contexte artisanale comme en Guadeloupe, il vaut mieux privilégier des bassins de petite taille (500 à 2500 m²).
  •     Les bassins sont généralement de forme rectangulaire, pas trop larges pour faciliter la pêche. La forme idéale serait celle d’un canal avec une hauteur d’eau de 0.80 à 1.30m de profondeur.
  •     Pour faciliter les vidange, on prévoit une pente de fond de l’ordre de 0.5 à 1 %.
  •     La construction est réalisée à l’aide d’engins mécanique. Une construction soignée est garante de la bonne durée de vie du bassin. Le compactage du fond et des berges est essentielle.
  •     Il est difficile de donner une idée des coûts de terrassement tant les situations peuvent être variables : topographie, nature du terrain, taille des bassins. Il est plus couteux de construire 10 bassins de 1000m² qu’un seul bassin d’un ha. Il faut donc chercher le compromis entre coûts d’investissement et objectifs visés.

Matériel d’exploitation :

  •     Globalement sur les petites exploitations requièrent peu de matériels spécifiques.
  •     Prévoir un véhicule pour le transport des aliments, des livraisons de ouassous, etc.
  •     Pour la récolte : filets, balance, bacs isothermes, bac de lavage et de tuerie.
  •     Pour le suivi de la qualité d’eau : oxymètre, Ph mètre, kit de lecture Nitrites, nitrates, TAC, TH.
  •     Pour le traitement post-récolte : eau potable, table pour l’ensachage, local, frigo, machine à glace et cellule de congélation.

AIDE A L’INVESTISSEMENT

L’UE encourage le développement de l’aquaculture.
En Guadeloupe, l’investissement productif en aquaculture d’eau douce peut bénéficier de financements publics dans une fourchette allant de 50 à 65% de la totalité du projet.
    Le FEADER représente 75% de l’aide publique et vient en contrepartie de la part nationale (Etat, Région, Département ou commune). Il faut néanmoins garder à) l’esprit que ces subventions publiques sont versées sur la base de factures acquittées. Il faut donc être capable de préfinancer son projet pour bénéficier de ces aides…
    Les dossiers de demande sont à retirer à la DAAF ou au SYPAGUA, qui peut également accompagner candidats dans leur démarche de montage de projet, de constitution et de suivi de dossier (selon des modalités à discuter).

LE TRAVAIL DE L’ELEVEUR DE OUASSOUS

    En premier lieu, l’aquaculteur doit entretenir un milieu favorable à la croissance et à la survie de ses ouassous.
    C’est la gestion du phytoplancton qui est à la base de tout le fonctionnement du système étang : producteur d’oxygène, le phytoplancton constitue également l’amorce de la chaine trophique et la station d’épuration des déchets des animaux. Enfin en jouant un rôle d’écran, il limite la pénétration de la lumière dans la colonne d’eau et empêche le développement d’algues filamenteuses ou d’herbes aquatiques très gênantes pour l’exploitation.
     Il est responsable des variations de taux d’O² dissous et du PH.
    L’aquaculteur veille donc à entretenir une densité planctonique adéquate, qui permette à la fois une bonne oxygénation du bassin par photosynthèse, sans risquer de crise d’oxygène la nuit du fait d’une demande en oxygène trop intense (respiration du plancton).
    Pour appréhender la qualité de ce milieu il mesure la turbidité, l’oxygène dissous, le PH , la température, la dureté et l’alcalinité de l’eau.

    L’aquaculteur doit également veiller au bon renouvellement de ses étangs et entretenir son captage.

Il doit remédier aux risques de prédation :

  • larves de libellules : ajout de « gendarmes » avant l’introduction de post-larves,
  • poissons : filtres sur les arrivées d’eau, vidanges
  • braconnage : clôtures…

    La prédation par les oiseaux est la plus difficile à éviter. Toutes les espèces prédatrices étant protégées en Guadeloupe : kios, crabiers, aigrettes, martin pêcheur, etc…

    L’aquaculteur ensemence ses bassins régulièrement avec des post-larves, selon un plan de stockage prédéfini.
    Il nourrit son cheptel quotidiennement et suit la croissance en prélevant des échantillons statistique régulièrement.
    Il récolte ses ouassous, les conditionnent en respectant els normes sanitaires en vigueur et vend ses produits.

DONNEES TECHNICO-ECONOMIQUES

Coût des post-larves de 32 à 50€/1000 selon les quantités. Avec un taux de capture moyen de 35% et un calibre de 20 animaux au Kg, il faut 100 post-larves pour produire 1 Kg soit 3.2 à 5 €.

L’aliment utilisé en Guadeloupe coûte 1.10  € par Kg. Les IC sont très variables : de 2.5 à 5 en moyenne. Une bonne gestion de l’alimentation et de son système d’élevage a donc des conséquences importantes sur le coût de revient final.

Main d’œuvre :

  • Nourrissage : 1h/j /ha = 6h/semaine
  • Récolte : 3 personnes  pour chaque étang péché tous les 21 j = 3x 1h30h/bassin de 2000m² = 4h30/bassin de 1600 m². Si 6 bassins de 1600 m², on pêche 2 bassins/semaine soient 9h/semaine.
  • Entretien des berges et du système d’amenée d’eau : 1h/j = 6h/semaine
  • Traitement post-récolte et commercialisation : 3h/semaine.
  • Total = 23 à 25h /semaine soit un 2/3 temps mais certaines opérations (récoltes, vidanges) ne peuvent être réalisées seul. Si sur ce total si 15h sont effectuées par l’exploitant, il faut prévoir un appoint de 5 à 8h de main d’œuvre complémentaire.

    Amortissement : il est difficile d’annoncer un coût d’amortissement compte tenu de la variabilité des situations.
    Un bassin et son système hydraulique peut être amorti sur  15 ans. Le matériel d’exploitation est généralement amorti sur 3 à 5 ans.

    Le prix moyen de vente des ouassous en 2011 était de 25€ (de 23.50 € aux grandes surfaces à 26€ aux particuliers).
    Un ha d’étang doit générer un chiffre d’affaire compris entre 37.000 et 50.000 euros.

Il est difficile de raisonner dans l’absolu mais, schématiquement, les charges variables d’exploitation annuelles pour 1 ha d’étang sont les suivantes :

  • 150.000 post-larves = 5000 €
  • 8 T d ‘Aliment = 9000 €
  • 300 h de MO extérieure = 3000 €
  • Total de ces trois postes = 17.000 €
  • Il reste donc 20.000 à 33.000 € pour payer l’amortissement, les charges annexes (carburants, électricité, téléphone, maintenance etc…) et le travail de l’exploitant.

    Sur la base d’un rendement de 1.8T/ha/an, nous estimons la marge disponible pour l’exploitant équivalent à 800-1300€/mois pour 21h de travail hebdomadaire, soient en équivalent 35h un salaire brut mensuel de 1350 à 2300 €. Attention il ne s’agit là que d’une estimation basée sur des hypothèses théoriques, très variables d’un cas à un autre.
    Avec l’augmentation des surfaces, et dans une certaine proportion, des économies d’échelle sont réalisées sur les charges fixes Que l’on dispose de 1 ou de trois ha , les coûts d’assurance, de maintenance des équipements, certains travaux quotidiens, etc…sont constants

    En Guadeloupe, faute de grandes surfaces disponibles, l’aquaculture du ouassous doit être avant tout envisagée comme une activité de diversification agricole.

Ouvrages de référence :

L’élevage de la crevette d’eau douce tropicale – Ifremer -1991

le manuel d’élevage de macrobrachium rosenbergii – FAO- M.New et S.Shingolka

la fiche FAO

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